bienvenue en Terre d'Argany

Voilà plus de 10 ans que je sillone le Sahara et plus je rencontre ses habitants noirs ou magrhebins, et plus je me dis qu'il n'éxiste qu'une humanité et qu'une citoyenneté. 
Alors je vous offre cet espace pour que vous aussi, citoyens du Monde, fassiez part de vos envies, vos joies, vos regrets ou vos coups de gueule, bref , que nous partagions ensemble un moment ou un coin d'humanité.

vendredi 20 février 2009

LE NOMADE ET LE MONDAIN OU ...


... quand la politesse s'acoquine à l'hypocrisie.

Il était une fois, un nomade qui s'était installé dans une oasis reculée. Un jour, une caravane opulente vint à passer par là.
Notre homme près et heureux de répondre à son devoir d'hospitalité, alla au devant de ces étrangers, les saluant et invitant le chef de ce groupe à partager sa maigre pitance.
D'un riche palanquin juché sur le dos d'un grand chameau blond, une voix se fit entendre :
- ah mon ami, je suis bien aise de vous rencontrer en ces lieux.
- homme ! comment vas-tu ? viens vite te mettre à l'abri du soleil sous l'ombre généreuse de ces dattiers et te désaltérer à la source fraîche qui vit ici.
L'homme descend, richement vêtu et d'une démarche superbe :
- sachez mon ami que "homme" me sied guère et qu'il est plus juste de m'appeler Maître.
Le nomade, homme libre et ne comprenant pas le sens de ce mot :
- maître ? voilà une famille ou une tribu que je ne connais pas ! Mais viens vite "maître", il est temps pour toi de te reposer un peu. Comment vas ta famille, tes enfants et tes troupeaux ? Bois ce lait, Grâce à Dieu, je viens juste de le tirer de ma chèvre, l'ignorant que je suis ne savais pas que c'était pour toi.
Le prince prit la calebasse offerte avec un léger geste de recul, fit un signe de la main et aussitôt un grand esclave noir vint avec une coupe d'argent ciselée. Il y versa le breuvage, la tendit à son maître qui la vida d'un trait.
- merci mon brave. Est-ce là tout votre bien ? demande-t-il en désignant une chèvre et deux chameaux.
- oui et non car Dieu, dans Sa grande mansuétude m'a offert un cabri voilà dix jours. Mais de ce pas, je vais l'égorger, le rôtir et tu pourras ainsi te restaurer comme il faut.
- n'en faites rien je vous en prie, je ne saurai porter atteinte à vos intérêts ... bien qu'il est vrai que la viande rôtie d'une jeune chèvre est tendre et goûteuse.
- installe toi maître et attends un peu, tu es sous ma tente comme chez toi.
Quelques temps après, le cabri est rôti, mangé, arrosé de thé, presque digéré.
Les outres de la caravane du prince sont remplies d'eau fraîche, les paniers de dattes.
- eh bien mon brave je vais reprendre mon chemin. Je vais à Id Aïssa, suis-je sur la bonne route ?
- oui oui ! tout droit vers le Sud-Est. En tous cas, merci pour ta visite. Que Dieu te protège, et reviens quand tu veux. Mais avant, j'ai quelque chose à te demander ...
- je n'ai plus le temps de vous écouter : mes hommes et mes animaux s'impatientent !
- c'est seulement ...
- bien sûr mon brave, vous serez toujours de mon bon souvenir et longtemps dans mes prières vous bénéficierez de mes louanges. Ne craignez rien, je ne vous oublierais pas !
Sur ce , il referme le rideau de son palanquin, un fouet claque et la lourde caravane s'ébranle dans un nuage de poussière qui enveloppe notre nomade, planté là, sa question toujours suspendue à ses lèvres :
- maître ? ça veut dire quoi maître ?


mardi 10 février 2009

DIALOGUE SAHARIEN

Avant toute chose et en aparté, je tiens à te remercier vivement !  Marie, tu es la première abonnée, à donner de la vie à ce blog, à justifier mon effort. Tout simplement : merci.

Aujourd'hui, je retransmets, avec autoristion, un dialogue que j'ai eu dernièrement avec l'un des participants de mes randonnées qui se nomme Ludovic.

Ce soir là, installés au creux d'une palmeraie, à l'abri du vent dans le cratère d'un volcan éteint,  sous un milliard d'étoiles. Le bivouac est monté. Le feu brille et le silence, vaguement rompu par le "scrontch scrontch" des chameaux pas encore couchés qui se gavent des dattes qui pendent çà et là, nous enveloppe de son grand manteau.

Ludovic : "voilà trois jours que nous marchons et ce soir je suis très éprouvé".
Moi : " le troisième jour est le plus fatigant".
- je ne parle pas de fatigue mais plutôt de sensations.
- c'est à dire ?
- cet après-midi par exemple, à l'approche du canyon je m'amusais à marcher sur l'ombre d'un nuage. Tu sais ? ton pied est à la limite de l'ombre et la lumière !
- ouais je vois ...
- un moment donné, le nuage m'a mollement dépassé. Je n'ai pas pu le rattraper et  j'ai ressenti en moi une certaine colère.
- et alors ?
- je pense à l'instant que je passe ma vie à courir après une ombre, que je ne la rattrape pas et que je ne suis pas furieux pour autant.
- il suffit d'espérer.
- tu ne comprends pas ! Je cours après quoi ?
- comme tout un chacun, après la Vie, après l'Amour mais vers la Mort. Y songes tu parfois ?
- la Mort ? ma Mort ?
- effectivement.
- euh, j'ai pas trop le temps : je gère des fortunes, je brasse des sommes hallucinantes ...
- et ça te rends immortel.
- bien sûr que non mais c'est rarement à l'ordre du jour.
- ben voyons !
- c'est comme hier quand ...
- tu changes de sujet.
- oui ! j'ai plein de trucs là qui doivent sortir !
- vas-y ! hier ...
- quand Tsâa-Tsâa (ndr : le dromadaire) n'a pas voulu prendre la direction de l'Est et nous a fait faire un détour ...
- mouais.
- je t'en ai voulu : des kilomètres en plus à cause de ton manque de fermeté, de tes erreurs de dressage, de ton boniment sur l'instinct de ces bestioles ...
- et alors ?
- ben ... il nous a fait éviter l'orage dans lequel nous allions nous engager ; tous ces nuages noirs venus brutalement d'on ne sait où, qui nous ont entourés et jamais frappés.
- où veux tu en venir ?
- j'ai 43 ans, je suis un trader reconnu dans mon milieu, j'ai 21 ans d'expérience, j'ai vu un orage venir et je suis allé droit dedans ... je suis plus con qu'un chameau !

mercredi 4 février 2009

BELLE RANDONNEE



Quelle belle randonnée ! 180 km en 10 jours, juste pour retrouver les puits et les oasis perdues le long de l'oued Drâa.
L'étendue saharienne était ouverte devant moi. Au loin, dans la brume de chaleur, pointait le djebel Banni, si cher au coeur de Charles de Foucauld.
La marche et la démarche dans le désert est simple : plonger dans l'espace, le silence et soi. Chaque pas te rapproche d'une sérénité certaine.
L'oeil se tend tout à coup vers la verte frondaison d'un palmier dattier ou du mouvement d'un troupeau de gangas.
Assis à l'ombre d'un surplomb rocheux, je scrutais l'horizon infini barré d'une oasis abandonnée. C'est là que je passerai la nuit et je prenais mon temps pour y arriver. Mon approche discrète me permis de faire une rencontre inattendue : une mère et ses louveteaux. La petite famille, installée dans un fouillis de palmes mais près d'une source claire, vaquait à ses occupations domestiques sans se soucier de la moindre façon de ma présence. Je passais la nuit pas très loin de ces locataires dans la plus grande intelligence.
Moralité : dormir près du loup est parfois moins dangereux et désagréable que de manger à la table du prince.