bienvenue en Terre d'Argany

Voilà plus de 10 ans que je sillone le Sahara et plus je rencontre ses habitants noirs ou magrhebins, et plus je me dis qu'il n'éxiste qu'une humanité et qu'une citoyenneté. 
Alors je vous offre cet espace pour que vous aussi, citoyens du Monde, fassiez part de vos envies, vos joies, vos regrets ou vos coups de gueule, bref , que nous partagions ensemble un moment ou un coin d'humanité.

samedi 21 décembre 2013

CONTE DE NOEL AU SAHARA 2013

Il était arrivé là avec ce merveilleux appareil volant qu’il appelle « hélicoptère ». L’énorme insecte de fer était en panne et la tempête de sable empêchait les secours d’arriver. Je l’avais donc accueilli sous ma tente.
Bien des choses semblaient l’énerver, surtout quand la batterie de son téléphone s’est retrouvée vide. Il s’est présenté comme un homme très important, s’appelait Monsieur Masanto, ne parlait que chiffres, statistiques et argent et ne comprenait pas ce que je fichais ici avec mes chameaux dans cette agréable petite palmeraie où l’eau était douce et abondante. Un peu éberlué, je ne comprenais pas tout ce qu’il me disait.
Moi, dans cette palmeraie, j’avais rendez-vous avec mon ami le Père Noël ; depuis notre rencontre de l’an dernier, nous avons beaucoup communiqué. La SMS, la Société de Messagerie Saharienne a bien fait son travail : je souffle mon message dans un os creux et mon sloughi l’apporte au djinn de la roche magique, carrefour des vents, et le génie du vent du Nord l’offre à celui-ci qui l’apporte au-delà du Grand Lac bleu dans une forêt de bouleaux lointaine. Du bout de leurs branches il le pousse jusqu’au creux d’un grand coquillage où les lutins le reçoivent et l’apportent directement à mon ami.
Monsieur Masanto criait après le technicien de l’appareil quand je le vis arriver dans son habit rouge, me faisant de grands signes joyeux du haut de son chariot à grelots. Ses rennes frétillants du plaisir de revoir leurs amis à bosse et faire une longue pause, gambadaient d’un nuage à l’autre.
Le spectacle rendit monsieur Masanto silencieux et vaguement étonné. Il accourut vers nous alors que nous nous faisions une amicale et heureuse accolade.
-          Monsieur ! Vous allez pouvoir m’aider, je dois absolument être à Captown …
Le Père Noël l’interrompit, se tourna vers lui tout sourire, rehaussa ses lunettes, fronça les sourcils et le regarda un peu chagrin :
-          Je me souviens de toi. Il y a bien longtemps que tu ne m’as pas écrit.
-          - ben je croyais …
-          - tu croyais quoi ? seulement ce que tes yeux te montrent alors que c’est avec le cœur qu’il faut voir et croire simplement en ce que l’on aime.
Le vent repris du souffle élevant un nuage de poussière.
-           atchoum !
-          - c’est quoi ça , dit lePère noël en se tournant vers  son chariot.
-          - atchoum ! dring dring !
Alors pointa au-dessus e la hotte pleine de cadeaux un bonnet pointu muni d’un grelot.
-          Sors de là sacripant que je vois qui tu es ! gronda tout en souriant mon ami.
Et sortit un lutin, l’air bien embarrassé.
-          Ne me grondez pas Père Noël, je voulais juste découvrir le vaste monde dont vous nous parlez tant.
-          Hmmm grogna-t-il.
-          Ce n’est pas une vilaine curiosité … mais une saine envie de savoir.
Là-dessus, nous éclatâmes tous de rire sauf monsieur Masanto qui restait comme paralysé de stupéfaction.
-          Et bien viens et découvre les Hommes. Celui-là est un « adulte » dit-il en désignant le monsieur important,  il n’aime que l’argent et le pouvoir parce qu’il en a aucun sur la Vie et la Mort. Ne le méprises pas mais ne l’écoutes pas trop, il est triste, sérieux et se croit sage. Celui-ci, se tournant vers moi, vit en harmonie avec sa tête et son cœur et tous deux ne se contredisent jamais ; c’est un Homme libre.
Doucement, le ciel passa son manteau sombre et Mademoiselle la Lune vint gambader dans une prairie d’étoiles.
Autour du feu nous passâmes une nuit de causeries et de rigolades. Puis :
-          OK, demain je t’emmène dit-il à monsieur Masanto. Mais maintenant allons dormir.
Au matin, alors que quelques un de mes chameaux commençaient à apprendre à voler avec les rennes, l’attelage dût se refaire. L’équipage prêt, il prit son envol.
-          Je passe te voir à mon retour, je serai à la dune blanche me crit-il. De grands signes de la main, quelques larmes et hop ! ils avaient disparu.
D’un bond, ils se trouvèrent au-dessus de la mystérieuse Tombouctou. A sa vue, dans une courbe du grand fleuve, des hippopotames se mirent à danser dans l’eau dessinant des fleurs.
-          Regarde là, mes amis crocrodiles …
-          Ne dit-on pas crocodile ?
-          Doux Jésus ! comment disais-tu quand tu avais cinq ans ? Ne retrouveras donc tu jamais ton cœur d’enfant ?
Sortant de leur sieste, les crocrodiles se mirent à sauter partout, se montant les uns sur les autres, formant une pyramide et faisant aux rennes des sourires gourmands.
Un peu plus loin dans la savane, un lion et une gazelle, à l’ombre d’un baobab, jouaient aux cartes. Soudain un véhicule chargé d’hommes à appareils photographiques apparût. Le lion et la gazelle se mirent à mimer une scène de chasse.
-          Il faut toujours vous montrer un monde en guerre alors que tout vit en paix et en harmonie.
Au-dessus de la forêt profonde, dans une clairière, des enfants pygmées attendaient. Ils avaient planté du manioc, des rangs en forme de lettre qui vus du ciel on pouvait lire : BONJOUR PÈRE NOEL.
Là, l’attelage se posa. Les petits hommes accoururent, dans leurs habits de cendre et de bijoux. Ce furent des chants, des rires, des accolades et des calebasses de bière qui s’échangèrent à profusion. Un peu trop peut-être, les rennes essayant de s’aligner pour s’envoler, la tête roide et sifflant « le pont de la rivière Kwaï». Avant de partir, le Père Noël ôta sa cape, l’étira, couvrant de gigantesques arbres. Quand il la remit sur ses épaules, plantes et lianes étaient couvertes bonbons.
A l’approche des chutes Victoria des enfants couraient après l’ombre du chariot qui rasait le sol. Certain arrivait à s’y agripper et se laissait tomber dans l’eau en riant aux éclats. Le Père Noël prit alors son bonnet, le tapota, faisant tomber une poussière magique qui transforma l’eau des chutes en lait au chocolat.
En vue du Kilimandjaro, le lutin vagabond qui s’était mis au chaud, dans le fond de la poche de monsieur Masanto, ouvrit de grands yeux sur les neiges éternelles.
-          Quel merveilleux endroit pour y faire de la luge !
Ils arrivèrent à Captown à la nuit noire. Il déposa discrètement monsieur Masanto près d’un palais d’acier, de béton et de verre, au milieu des limousines noires, des attaché-case noirs, des costumes noirs.

Le discours tenu par ce dernier devant ses amis actionnaires eut un écho planétaire et soi-disant stupéfiant. Il décida d’une grille d’investissement inattendue : il arrêtait les produits chimiques, construisait des stations de ski réservées aux enfants et aux lutins, plantait des forêts d’arbres à bonbon magiquement modifiés, installait des fontaines à bière là où on l’aime tant et créait la Compagnie de Livraison de steaks de rennes en chocolat pour les crocrodiles !

samedi 30 novembre 2013

BILAN

Elle rentre dans sa chambre et s’assied au pied de son lit. S’enroulant dans sa cape, elle est parcourue d’un léger frisson.
Éveillé par le froissement du drap, il la voit. Effrayé et ahuri par ce réveil un peu brutal, il se redresse, se cale contre l’oreiller et remonte prestement le drap jusqu’au menton pour se protéger de son inopportune visiteuse.
-      - Que fais-tu là ? demande-t-il ;
-      - Je viens te chercher, répond-elle. Une ombre de lassitude se posant alors sur son regard.
-      - Mais je n’avais pas prévu …
-      - Ben oui, je sais, dit-elle avec un léger haussement d’épaules, c’est souvent ainsi …
-      - Mais je ne peux pas partir avec toi maintenant ! j’ai tellement de choses à faire !
Ses yeux se tournent alors vers sa chambre à la recherche d’un moyen de secours mais il se rend compte que tout a changé : les bibelots et les tableaux précieux, accumulés toute une vie, le matériel « hi-tech », les dernières nouveautés, tout a disparu. Sa chambre n’est plus qu’un immense espace blanc, lumineux, immaculé.
-      - Bon ! tu te prépares, dit-elle, j’ai encore beaucoup de monde à visiter.
-      - Ben va les voir et viens me chercher plus tard !
-      - Plus tard, pour quoi faire ?
 - J’ai un conseil d’administration à diriger aujourd’hui, j’ai plusieurs rendez-vous importants, j’ai des amis à voir, …
-      Ah ! tu as des amis ?
Interloqué par cette question, face à la Mort qui vient de se lever et le regarde bien en face, il hésite, bafouille et finit par répondre :
- Bien sûr que j’ai des amis …
- Et qui sont ?
- Ben … François par exemple ! Pas plus tard qu’hier soir …
 Aah celui qui t’a laissé partir avec cette grosse voiture rouge alors que tu étais bourré ?
- Eueuh oui …
 C’est vrai, on peut appeler ça un ami.
- Bon OK mais il y a Bernard ...
- Celui que tu as grassement aidé il y a une dizaine d’années pour s’acheter un chalet à Avoriaz et qui ne t’as toujours pas remboursé ? Mouais, qui sont-ils vraiment ceux que tu aimes et qui t’aiment ?
-      mes enfants, Martine et Jonathan ?
-      Sais-tu où ils sont aujourd’hui ? ça fait quoi, douze ans que tu ne les as pas vu ?
-      C’est à cause de cette salope de Sylvie !
-      Ah ! on arrive aux amours …
-      Les amours : tu parles ! tout ce qu’elle voulait c’était une bague au doigt avec un gros diamant …
-      Qu’elle a eu d’ailleurs.
-      Je ne pèse pas plusieurs millions d’euros pour rien !
-      Hmmm, merveilleux, et alors revenons à tes enfants, tes amours.
-      Quels amours ? J’ai consacré ma vie à mon travail ! les enfants ? elle me les a volé …
-      Ah oui quand elle est partie avec … Bernard.
-      je devais faire du chiffre et j’en ai fait ! Ce n’est pas n’importe comment que je suis devenu ce que je suis …
-      Oui, un homme devant moi, qui doit faire le bilan de sa vie et qui mis à part son argent a du mal à remplir les colonnes.
-      … ?
-      Hormis ta réussite sociale, à qui, à quoi a servi ta vie ?
-      J’ai créé une association humanitaire …
-      Oui ! pour recevoir des fonds que tu as détournés pour sauver une de tes affaires qui était bancale.
-      J’ai aimé … j’ai aimé Natacha !
-      Natacha ?
Elle sort alors d’une des poches de sa cape un bloc-notes qu’elle se met à feuilleter.
-      Ah oui Natacha … tu avais quatorze ans … vous aviez des projets mais dis donc, que s’est-il passé ? demande-t-elle ironiquement.
-      Mes parents ne voulaient pas entendre parler d’elle.
-      Ah bon et pourquoi ?
-      Je ne pouvais pas bousiller mon cursus scolaire pour une gamine que l’on dirigeait vers une filière professionnelle.
-      Tu l’aimais, vous vous aimiez et tu n’as pas su, tu n’as pas eu le courage de passer outre ?
-      Je n’allais quand même pas courir toute ma vie après une … boulangère ou couturière, je ne sais plus.
-      Ben oui, c’est dommage, nous aurions pu commencer à remplir les colonnes de ton bilan.
En fait, on a beau chercher dans tous les coins, je vais t’emmener avec moi mais il n’y aura rien dans tes bagages : pas d’amis, pas d’amour, pas de souvenirs un tantinet humain, même pas un regret.

A quoi bon une vie humaine si elle est exsangue d’Humanité ?

jeudi 13 juin 2013

Quand ?

Quand te reverrais-je ?
Quand reviendras tu  mettre tes pas dans les miens ?
empreintes liées et vivantes dans le sable chaud de la dune.
Quand redeviendrais- je matou ?
roulant ronronnant, caressé par la douceur de ta voix.
Quand redeviendrais-je lion ?
puisant ma force à la source de notre amour.
Quand redeviendrais-je diamant ?
brillant de mille feux à l'éclat de tes yeux.
Quand seras-tu là près de moi ?
deux corps tendus comme des cordes de harpe, vibrantes dans le vent des émotions.
Quand seras-tu là contre moi ?
unis l'un à l'autre accordant nos caresses et nos souffles.
Quand seras-tu là contre moi ?
 savourant l'odeur musquée de nos corps sauvagement emmêlés.
Quand te reverrais-je ? Quand ?
Seul sur le grand erg, je brûle.
Le soleil de midi n'y est pour rien, c'est le désir qui m'incendie,
Seul sur le grand erg, je brûle.
Le soleil de midi n'y est pour rien, c'est l'image de ton corps chaud et ondulant qui me consume.
Le vent du Sud me frappe, une vague de sable me réveille.
Mon regard troublé plonge sur l'horizon nu,
s'accroche à un mirage qui se nomme Espoir.

dimanche 9 juin 2013

Il scrutait l'horizon et il pensait à elle.
Le jour était fuyant et la montagne face à lui, rougissait comme un métal en fusion sous les derniers coups du soleil.
Il pensait à elle.
Elle était partout. Elle était tout.
Cette montagne de cuivre, ses pommettes cuivrées ; le croissant de lune, son sourire ; une empreinte de pas, ses pieds nus dans le sable ; l'ombre fraîche du palmier,la douceur de ses mains sur sa peau rugueuse ;
les premières étoiles, l'éclat de ses yeux ... 
Tout son corps, toute son âme, tendu comme un arc vers une seule pensée : elle.
Comme le désert, l'Amour est merveilleux et terrible.
Comme le désert, l'Amour est Force et Lumière.
Comme le désert, l'Amour est violence et douceur.
Comme le désert, l'Amour est Espoir et mirages
Comme le désert, l'Amour est Vie, Mort et résurrection.