bienvenue en Terre d'Argany

Voilà plus de 10 ans que je sillone le Sahara et plus je rencontre ses habitants noirs ou magrhebins, et plus je me dis qu'il n'éxiste qu'une humanité et qu'une citoyenneté. 
Alors je vous offre cet espace pour que vous aussi, citoyens du Monde, fassiez part de vos envies, vos joies, vos regrets ou vos coups de gueule, bref , que nous partagions ensemble un moment ou un coin d'humanité.

dimanche 23 décembre 2012

CONTE DE NOEL AU SAHARA


J'étais ce matin auprès du puit, je faisais boire mes chameaux quand au loin, je voyais un homme qui me semblait dans l'ennui. Comme il se doit, j'allais vers lui, le saluais et entamais une causerie :

- bonjour l'ami, que la paix soit sur toi, comment vas-tu ?
- oh mon enfant, que je suis heureux de te voir.

Il avait une bonne mine de bon vieillard, bonhomme et jovial. Sa djellaba était rouge et sa charrette, sans roues, très chargée, décorée de petites clochettes qui tintinnabulaient au gré du vent, était tirée par douze  étranges gazelles énormes, aux cornes de velours.

- tu m'as l'air un peu désemparé, lui dis-je.
- tu ne saurais mieux dire. J'étais posé sur une aile du vent du Nord quand tout à coup il s'est emballé et a fini par me déposer par ici en pleine nuit. Je suis bien ennuyé car je ne vois guère de cheminées en ces lieux.
- de cheminée ? Tes gazelles me semblent assoiffées et toi un peu las. Viens sous ma tente, le puit est à côté et ainsi, toi et elles pourront souffler un peu.
- tu n'as pas tort, je n'ai pas trop de temps mais mes rennes ont besoins de repos et moi de savoir où je suis et qui tu es.

Nous rejoignîmes mon campement en silence, mirent les "rennes" à l'abreuvoir auprès des chameaux qui étaient tout heureux de se faire des amis nouveaux et si différents.

- tu es le bienvenu sous ma tente l'étranger, comment t'appelles-tu, ? lui demandais-je.
- tu ne me connais pas ? alors appelles moi comme tu l'entends, je crois que le nom que tu me donneras, sortant d'un coeur sincère comme le tien m'ira comme un gant.
- "Porteur de Vent" ou Bon Ami !
- Bon Ami ! Je suis plus un simple porteur de cadeaux.
- Bon Ami donc, bois ce thé ! Alors tu es un porteur de cadeaux ? voilà un bien bel état.
- mmmmm, ce n'est plus vraiment le "bel état"que c'était mais bon, chaque année j'y prend encore une certaine joie car je sais que je fais toujours un peu plaisir.
- c'est bien ça ! faire plaisir aux autres et le partager, n'est-ce pas là une fonction ... humaine ?
- sans aucun doute mon enfant mais ces temps derniers, tant de choses ont perdu de leur valeur. Ton thé est très bon et m'a ragaillardi. Je vois que mes rennes sont repus et reposés je vais donc te demander la permission de reprendre ma route.
- si tu veux. Pars en Paix et merci pour ta visite et cet échange.
- c'est moi qui te remercie pour ton accueil et ta sollicitude, d'ailleurs, je vais te remettre un cadeau.
- un cadeau ?
- c'est un truc que tout le monde aujourd'hui demande et peut-être en auras-tu l'utilité.

Il se lève, va vers son chariot, y retire un paquet extra plat et me le remet en souriant.

- merci Bon Ami, c'est quoi ?
- bah, me répond-il tristement, ça sert à co-mu-ni-quer,  je ne sais pas si c'est très efficace mais "ils" veulent tous ça.
-  euh ... je vais te faire aussi un cadeau.

Je pars vers mes bagages, trouve une vieille théière, plonge ma main dans un grand sac de grain, en prend une grosse poignée. Je remplis la théière, souffle dedans et lui remets mon présent.

- ????
- tu veux savoir ce que c'est ? Pour moi et les miens, c'est très utile. Prends cette calebasse et verse dedans.

Alors il prend, il verse, et trouve à ses pieds une gamelle d'Espoir.
Étonné, il me regarde avec des yeux et un sourire d'enfant émerveillé et se met à pleurer.

- que t'arrives t-il Bon Ami ? je regrette que mon cadeau te rende triste.
- ah mon enfant, si tu savais, je croyais que cette fleur là avait bel et bien disparu. Quel immense plaisir tu me fais là. Mais ça pousse bien dans ton désert ?
- nous en avons tous de grands sacs et nous semons et cultivons quand bon nous semble répondis-je avec étonnement.
- et tu crois que ça se cultiverait bien dans d'autres désert ?
- il y en a d'autres ?
- eh oui, dit-il plein d'amertume, des déserts où les puits de l'Amitié sont secs, les sources de l'Amour sont taries ou polluées, les plaines du Partage toujours arides, crevassées par les sécheresses de l’Égoïsme, ravagées par les tornades des contraintes absurdes.
- bah ! dis-je simplement, il suffit d'essayer. Tiens ! prends donc ce sac et sème le long de ta route où bon te semble. Je fais confiance en ton expérience.

Intimidé mais heureux, il prend le sac, le charge sur son chariot. Se tournant vers moi, il m'embrasse pour me saluer en me disant :

- ce Noël sera merveilleux.

Il attela son équipage, fit un grand signe au soleil. Une légère brise venant du Sud se posa près de lui et montant sur son dos, me faisant de grands signes joyeux de la main, il me dit "au revoir".

Alors toi l'ami qui me lit, regardes le ciel et cette nuit, quand tu verras passer cet étrange chariot, cours après lui et ramasses les grains qui en tombent. Jettes les négligemment dans le jardin de ton coeur. Une graine te donneras des millions de fleurs parfumées que tu pourras faire en bouquet et offrir tout au long de l'année.

dimanche 2 décembre 2012

THEOLOGIE SAHARIENNE

Un jour, Dieu dit à l'homme : "voilà, dans quelques temps tu donneras un nom aux plantes, aux animaux et à tout ce qui t'entoure mais pour commencer, reçois les lettres et fabriques des mots".
Immédiatement, l'homme s'attela à la tâche.
Sa main et sa plume glissèrent sur la page et il écrivit : "MOT"
Mais il n'y avait pas de point pour le maintenir ; "MOT" glissa et se brisa au bas de la page.
"S" qui était à proximité au moment de la chute s'était accroché pour le saisir mais fut entraîné par le poids de "MOT".
"A" le premier, accouru et alerta.
"B" bedonnant, bouda l'alerte
"C" couru,  constata consterné :  "T" était gravement atteint, "S" inutilisable.
"D" dédaigneux déclara : nous ne sommes pas fait pour ça, à quoi bon mélanger nos différences ?
"E" explosa expliquant que c'est dans le terreau des différences que se cultive l'Espoir.
"F" fignola en fustigeant "D" de son esprit de faillite.
"G et H" ne dirent rien.
"N et P" navrés protestèrent : sans le mélange des lettres le mot ne sera pas, sans le mot, nous ne serons rien !
"Q et X" étaient trop bien occupés pour faire quoique se soit mais voyant "U et R" intervenir, ils restèrent quiets imaginant facilement l'avenir.
"R" s'écria : poussez vous ! "MO" à besoin de moi, je vais me donner tout entier !
"U" s'unifia tout simplement dans l'effort et "A" prit la tête de l'ensemble.

moi en plein boulot
Maintenu solidement et encouragé par "A et U", gonflé d'"R", "MO" se redressa et remonta au haut de la page.
"V, W, Y et Z" applaudirent et virent là que c'était bon.
Au commencement, le premier mot était "AMOUR".

mercredi 24 octobre 2012

Comme c'est étrange.
Il m'a fallut trente ans pour comprendre ce qu'un jour, un ange posé près de moi, m'a dit :" on ne construit de vrai que sur l'immuable ... l'océan est immuable."
L'Amour vrai est immuable et comme l'océan, il a ses flux et ses reflux, ses marées hautes, ses marées basses.
Une vague recouvre un rocher, elle creuse la falaise, fait un bond et retourne au large.
Quelques années après, cette même vague revient, chargée d'une écume pleine d'une nouvelle force et recouvre le rivage.
Qu'il est bon d'aimer !

mardi 3 juillet 2012

lettre du nomade à la Princesse aux pieds nus

Bonjour les amis !
Me voilà de retour au bout de ma plume pour mon plus grand plaisir et le votre j'espère.
Pour reprendre, je me ferai l'interprète d'un ami qui me demande d'écrire son histoire.

Princesse,
voilà bien longtemps que je voulais t'écrire ces quelques mots afin de me libérer des fers de ton absence.
Souviens toi, nous nous sommes rencontrés dans les déserts du Sud.
Tu arrivais d'une contrée lointaine et mon troupeau a croisé ta caravane. Très vite, j'ai compris que tu cherchais ta route, tourmentée par les vents de sable des certitudes trop vite acquises, ralentie par les sables mouvants des indécisions.
Moi, je croyais n'être qu'un nomade au cœur aride comme le Grand Ergs. Toi, tu étais une princesse étincelante au cœur tendre mais embourbé.

Un soir, au bivouac sous un million d'étoiles, nous étions tous deux près du feu.
Tu étais là, splendide, souriante, détendue et au bout du galbe parfait de tes jambes il y avait tes pieds nus.
Tu étais là.
Les flammes coloraient ta peau et donnaient à ton corps l'aspect cuivré d'une idole d'au delà la grande mer bleue du Nord.
C'est à ce moment là que la plaine de mon coeur s'est retrouvée recouverte d'une ondée d'amour et qu'elle est devenue une prairie de fleurs parfumées.
Je savais dès le départ que cette manne divine serait éphémère mais moi le nomade, je suis simplement heureux de recevoir ces présents là.
Et ça c'est grâce à toi, grâce à toi que je sais que mon cœur n'est pas comme une rose des sables, parfois belle mais inerte, mais un véritable animal fauve que je ne saurai dompter, sauvage, vivant !  Merci Princesse.

Nous avons fait un bout de piste ensemble.
J'ai essayé de t'apprendre quelques "trucs" pour t'orienter sur la hamada de la Vie.
Plein d'enthousiasme et d'orgueil j'ai voulu t'offrir des oasis de tendresse et de paix mais plutôt que te donner ces conseils de vieillard, j'aurai dû t'enlever aux yeux de tous et te dire et te montrer combien je t'aimais.
Pourquoi n'ai-je pas osé ? Pourquoi ai-je été lâche ?

Puis comme un oued, nous nous sommes séparés.
Comme un oued, où hier il y avait de la fraîcheur et de la vie, aujourd'hui il n'y a plus que silence et pierres.
Mais la Vie sait offrir à ceux qui savent attendre, d'autres pluies bienheureuses et bienfaitrices qui remplissent les oueds de joyeuse fureur, de tendresse, de rires et de bonheur partagés.

Et maintenant, que sommes nous devenus ?
J'ai repris ma vie de nomade errant, conduisant le troupeau de ma vie çà et là et toi tu as rejoint les tiens, ta tribu, tes palais et tes habitudes.
Le silence c'est installé, pas celui du désert, bienfaisant et entraînant à la méditation. Non ! le silence des êtres, celui qui étouffe petit à petit les grands feux, qui réveille les malveillances et la mélancolie.

Aujourd'hui que la fleur d'Amour n'est plus cultivée, même quand elle est sauvage nous ne la cueillons plus : nous n'avons pas le temps ... tant de choses à faire !