Il était arrivé là avec ce merveilleux appareil volant qu’il
appelle « hélicoptère ». L’énorme insecte de fer était en panne et la
tempête de sable empêchait les secours d’arriver. Je l’avais donc accueilli
sous ma tente.
Bien des choses semblaient l’énerver, surtout quand la
batterie de son téléphone s’est retrouvée vide. Il s’est présenté comme un
homme très important, s’appelait Monsieur Masanto, ne parlait que chiffres,
statistiques et argent et ne comprenait pas ce que je fichais ici avec mes
chameaux dans cette agréable petite palmeraie où l’eau était douce et abondante.
Un peu éberlué, je ne comprenais pas tout ce qu’il me disait.
Moi, dans cette palmeraie, j’avais rendez-vous avec mon ami
le Père Noël ; depuis notre rencontre de l’an dernier, nous avons beaucoup
communiqué. La SMS, la Société de Messagerie Saharienne a bien fait son
travail : je souffle mon message dans un os creux et mon sloughi l’apporte
au djinn de la roche magique, carrefour des vents, et le génie du vent du Nord
l’offre à celui-ci qui l’apporte au-delà du Grand Lac bleu dans une forêt de
bouleaux lointaine. Du bout de leurs branches il le pousse jusqu’au creux d’un
grand coquillage où les lutins le reçoivent et l’apportent directement à mon
ami.
Monsieur Masanto criait après le technicien de l’appareil
quand je le vis arriver dans son habit rouge, me faisant de grands signes
joyeux du haut de son chariot à grelots. Ses rennes frétillants du plaisir de
revoir leurs amis à bosse et faire une longue pause, gambadaient d’un nuage à
l’autre.
Le spectacle rendit monsieur Masanto silencieux et vaguement
étonné. Il accourut vers nous alors que nous nous faisions une amicale et
heureuse accolade.
-
Monsieur ! Vous allez pouvoir m’aider, je
dois absolument être à Captown …
Le Père Noël l’interrompit, se tourna vers lui tout sourire,
rehaussa ses lunettes, fronça les sourcils et le regarda un peu chagrin :
-
Je me souviens de toi. Il y a bien longtemps que
tu ne m’as pas écrit.
-
- ben je croyais …
-
- tu croyais quoi ? seulement ce que tes
yeux te montrent alors que c’est avec le cœur qu’il faut voir et croire
simplement en ce que l’on aime.
Le vent repris du souffle élevant un nuage de poussière.
-
atchoum !
-
- c’est quoi ça , dit lePère noël en se tournant
vers son chariot.
-
- atchoum ! dring dring !
Alors pointa au-dessus e la hotte pleine de cadeaux un
bonnet pointu muni d’un grelot.
-
Sors de là sacripant que je vois qui tu es !
gronda tout en souriant mon ami.
Et sortit un lutin, l’air bien embarrassé.
-
Ne me grondez pas Père Noël, je voulais juste
découvrir le vaste monde dont vous nous parlez tant.
-
Hmmm grogna-t-il.
-
Ce n’est pas une vilaine curiosité … mais une
saine envie de savoir.
Là-dessus, nous éclatâmes tous de rire sauf monsieur Masanto
qui restait comme paralysé de stupéfaction.
-
Et bien viens et découvre les Hommes. Celui-là
est un « adulte » dit-il en désignant le monsieur important, il n’aime que l’argent et le pouvoir parce qu’il
en a aucun sur la Vie et la Mort. Ne le méprises pas mais ne l’écoutes pas
trop, il est triste, sérieux et se croit sage. Celui-ci, se tournant vers moi, vit
en harmonie avec sa tête et son cœur et tous deux ne se contredisent jamais ;
c’est un Homme libre.
Doucement, le ciel passa son manteau sombre et Mademoiselle
la Lune vint gambader dans une prairie d’étoiles.
Autour du feu nous passâmes une nuit de causeries et de
rigolades. Puis :
-
OK, demain je t’emmène dit-il à monsieur
Masanto. Mais maintenant allons dormir.
Au matin, alors que quelques un de mes chameaux commençaient
à apprendre à voler avec les rennes, l’attelage dût se refaire. L’équipage
prêt, il prit son envol.
-
Je passe te voir à mon retour, je serai à la
dune blanche me crit-il. De grands signes de la main, quelques larmes et hop !
ils avaient disparu.
D’un bond, ils se trouvèrent au-dessus de la mystérieuse
Tombouctou. A sa vue, dans une courbe du grand fleuve, des hippopotames se
mirent à danser dans l’eau dessinant des fleurs.
-
Regarde là, mes amis crocrodiles …
-
Ne dit-on pas crocodile ?
-
Doux Jésus ! comment disais-tu quand tu
avais cinq ans ? Ne retrouveras donc tu jamais ton cœur d’enfant ?
Sortant de leur sieste, les crocrodiles se mirent à sauter
partout, se montant les uns sur les autres, formant une pyramide et faisant aux
rennes des sourires gourmands.
Un peu plus loin dans la savane, un lion et une gazelle, à l’ombre
d’un baobab, jouaient aux cartes. Soudain un véhicule chargé d’hommes à
appareils photographiques apparût. Le lion et la gazelle se mirent à mimer une
scène de chasse.
-
Il faut toujours vous montrer un monde en guerre
alors que tout vit en paix et en harmonie.
Au-dessus de la forêt profonde, dans une clairière, des
enfants pygmées attendaient. Ils avaient planté du manioc, des rangs en forme
de lettre qui vus du ciel on pouvait lire : BONJOUR PÈRE NOEL.
Là, l’attelage se posa. Les petits hommes accoururent, dans
leurs habits de cendre et de bijoux. Ce furent des chants, des rires, des
accolades et des calebasses de bière qui s’échangèrent à profusion. Un peu trop
peut-être, les rennes essayant de s’aligner pour s’envoler, la tête roide et
sifflant « le pont de la rivière Kwaï». Avant de partir, le Père Noël ôta
sa cape, l’étira, couvrant de gigantesques arbres. Quand il la remit sur ses épaules,
plantes et lianes étaient couvertes bonbons.
A l’approche des chutes Victoria des enfants couraient après
l’ombre du chariot qui rasait le sol. Certain arrivait à s’y agripper et se
laissait tomber dans l’eau en riant aux éclats. Le Père Noël prit alors son
bonnet, le tapota, faisant tomber une poussière magique qui transforma l’eau
des chutes en lait au chocolat.
En vue du Kilimandjaro, le lutin vagabond qui s’était mis au
chaud, dans le fond de la poche de monsieur Masanto, ouvrit de grands yeux sur
les neiges éternelles.
-
Quel merveilleux endroit pour y faire de la luge !
Ils arrivèrent à Captown à la nuit noire. Il déposa discrètement
monsieur Masanto près d’un palais d’acier, de béton et de verre, au milieu des
limousines noires, des attaché-case noirs, des costumes noirs.
Le discours tenu par ce dernier devant ses amis actionnaires
eut un écho planétaire et soi-disant stupéfiant. Il décida d’une grille d’investissement
inattendue : il arrêtait les produits chimiques, construisait des stations
de ski réservées aux enfants et aux lutins, plantait des forêts d’arbres à
bonbon magiquement modifiés, installait des fontaines à bière là où on l’aime
tant et créait la Compagnie de Livraison de steaks de rennes en chocolat pour
les crocrodiles !
1 commentaire:
Bonjour Pierre Jean et Nicole
Les Picto-charentais sont bien revenus chez eux avec des étoiles plein la tête et des saveurs de toutes les couleurs dans leurs palais ! merci à vous pour cet accueil chaleureux et riche en évènements et découvertes ! Nous reviendrons dès que possible
Evelyne Madeleine Nathalie et Eloi
Enregistrer un commentaire